"Amanda", de Mikhaël Hers : un grand film sur les conséquences du terrorisme a découvrir sur Arte (2024)

En 2018, le talentueux Mikhaël Hers signait "Amanda" : un film bouleversant sur un jeune Parisien en deuil de sa sœur, victime d’un attentat. Cette fiction infiniment précieuse, diffusée ce soir en prime time sur Arte, incite à revisiter les films français qui, pour le meilleur et pour le pire, ont évoqué le terrorisme et ses ravages.

David, 24 ans, un jeune Parisien parmi d’autres, ne semble vivre que pour profiter du moment présent. Insouciant et épicurien, il enchaîne les petit* boulots sans se soucier du lendemain, adore déambuler à vélo dans les rues de la capitale et entretient de douces relations avec ses proches : Sandrine, sa sœur aînée, ses copains, ses petites amies de passage. Paris est-il toujours une fête ? Pas sûr… Le quotidien de David bascule tragiquement quand Sandrine décède suite à un attentat qui ensanglante la capitale. En charge de la fille de cette dernière - Amanda, 7 ans - David, forcé et contraint, doit envisager son présent et son futur avec un tout autre regard. Elevant seul la gamine orpheline et traumatisée, le héros mal-en-point, malgré son jeune âge, tente de s’acquitter de ses écrasantes responsabilités et cherche du réconfort auprès de sa tante, le seul membre de sa famille qui vit à Paris, et de Léna, une jeune fille qu’il vient de rencontrer et dont il est secrètement tombé amoureux.

La prime au murmure

Avec “Amanda”, un film réalisé en 2018 et diffusé ce soir en prime time sur Arte, Mikhaël Hers (également auteur de “Memory Lane” et “Ce sentiment de l’été”), signe une fiction d’une rare justesse sur notre époque en préférant le murmure aux vociférations et la suggestion aux surenchères. Le travail du deuil, la reconstruction, le douloureux passage à l’âge adulte d’un jeune homme que rien ne préparait à affronter le pire : avec de tels thèmes, beaucoup des cinéastes auraient cédé à la tentation larmoyante. Mikhaël Hers, un réalisateur qui plébiscite la pudeur et la délicatesse, évite avec élégance ce redoutable écueil et met en scène une fiction impressionniste qui, avec ses deux personnages bouleversants et sa description sensible du Paris d’aujourd’hui, s’impose en toute discrétion comme l’un des plus beaux films français de ces dernières années.

Ennemi juré de la complaisance, Mikhaël Hers filme l’horreur du terrorisme et ses conséquences à bonne distance. En évitant les reconstitutions obscènes, mais en n’éludant pas la réalité et son cortège de drames. Le cinéaste a imaginé un attentat fictionnel au Bois de Vincennes plutôt que de tenter de représenter les événements tragiques de novembre 2015. « J’aurais trouvé indécent d’inventer une victime fictive pour un événement terriblement réel qui a fauché tant de vies et qui appartient désormais à l’imaginaire collectif, expliquait le cinéaste en 2018. “Amanda” n’est pas un film sur les attentats ni sur le terrorisme islamiste mais il me semblait impossible qu’ils ne soient pas filmés ni nommés frontalement. Il fallait juste trouver la manière et le moment. Lors du 13 novembre, on a été saturés d’images, toujours les mêmes, qui revenaient en boucle. Des images médiatiques qui créaient du vide plutôt qu’un imaginaire qui nous aide à penser l’événement. A mon humble mesure, il fallait que le film prenne en charge ces images manquantes. »

La menace de la complaisance

Des « images manquantes » que Mikhaël Hers sait filmer en évitant le voyeurisme morbide. Ce qui n’a pas été le cas, loin s’en faut, de toutes les fictions ayant évoqué le terrorisme ces dernières années. Au rayon du pire : “Made in France”, de Nicolas Boukhrief et “Nocturama”, de Bertrand Bonello : deux films problématiques qui, dans des genres différents (l’action musclée dans le premier cas, la contemplation esthétisante, pour le second), ont mis en scène avec complaisance et une fascination douteuse des groupuscules terroristes dans leur basse besogne destructrice. Deux films, qui, hélas, n’adoptent en rien le point de vue distancié du prémonitoire “La Désintégration” de Philippe Faucon qui, en 2012, auscultait le cheminement de personnages d’une banlieue française enrôlés dans la « logique » du terrorisme djihadiste ou du “Jeune Ahmed”, des frères Dardenne, sur un gamin endoctriné, le meilleur film jamais tourné sur le sujet.

A l’instar de ces deux productions exigeantes, d’autres fictions, ces dernières années, ont su interroger avec lucidité la folie terroriste et ses conséquences. Ainsi le duo Eric Toledano et Olivier Nakache, dans la magistrale série “En thérapie”, diffusée récemment sur Arte. En posant leur caméra dans le cabinet d’un psychanalyste en décembre 2015, les cinéastes, via les blessures intimes d’une poignée de patients, décrivent avec subtilité les traumatismes collectifs de l’Hexagone.

Western contemporain

Dans un registre différent, d’autre films ont zoomé avec acuité sur la tentation du terrorisme et ses ravages. Parmi eux : “L’adieu à la nuit” (2019), de André Téchiné sur un jeune Français a priori sans histoire qui s’engage dans les rangs djihadistes et “Les cowboys” (2015), de Thomas Bidegain. Dans cette fiction singulière, le cinéaste raconte l’histoire d’Alain, un homme « ordinaire » vivant dans l’Est de la France et qui voit disparaître sans raison apparente sa fille de 16 ans : Kelly. Alain, apprend bientôt que cette dernière a pris la fuite avec son petit ami, et que le couple semble-t-il, a été aperçu dans les environs de Sedan, puis en Belgique, en Turquie et peut-être en Afghanistan. Obsessionnel, Alain, pendant des années, cherche partout « sa » Kelly, accompagné par son fils, qui ne vit qu’à travers l’enquête de son père inconsolable.

Dans ce western contemporain - modèle avoué : “La prisonnière du désert”, de John Ford -, Thomas Bidegain, connu notamment pour ses travaux de scénariste aux côtés de Jacques Audiard, radiographie la tentation du « radicalisme » de certains jeunes et ses conséquences sur leurs proches. « L’histoire de ce père et de fils ordinaires se cogne au tumulte du monde racontait Thomas Bidegain en 2015. Ils sont intimement et violemment en rapport avec la réalité du fanatisme et des attentats. Ces derniers viennent désormais comme un métronome macabre rythmer notre existence. ». Une existence marquée au fer rouge par la perte et le deuil que certains cinéastes français, comme Mikhaël Hers dans “Amanda”, savent sonder avec clairvoyance.

“Amanda”, de Mikhaël Hers. Diffusion le mercredi 14 avril à 20h55 sur Arte. Les autres films mentionnés dans cet article sont disponibles sur les plateformes de VOD.

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